Emouvant, Eloquent, Poétique, Onirique.
Adama Diop né au Sénégal est arrivé en France dans sa vingtième année en 2002. Il se forme à ENSAD ‘école nationale supérieure d’art dramatique’ de Montpellier puis intègre le CNSAD ‘conservatoire national supérieur d’art dramatique’ de Paris.
En 2016, il rejoint Julien Gosselin pour 2666 de Roberto Bolaño , en 2018 il joue sous la direction de Stéphane Braunschweig où il incarne le rôle de Macbeth, en 2020 au festival d’Avignon il incarne Lopakine dans la Cerisaie sous la direction de Tiago Rodrigues et reçut pour ce rôle le Prix du meilleur comédien décerné par le syndicat de la critique théâtre, en 2023 il est Othello dans la mise en scène de Jean-François Sivadier, nous le retrouvons sous la direction de Tiago Rodrigues dans Dans la mesure de l’impossible… Quel talentueux comédien !
Fajar signifie Aube en wolof, langue nationale du Sénégal. Adama Diop dit s’être un peu inspiré de son parcours de jeune immigré sénégalais rêvant de devenir comédien. Il nous conte histoire de Malal qui se sent l’âme d’un poète. C'est sa première création théâtrale, texte, conception, mise en scène et jeu.
Dans la pénombre, sur un écran apparait un poème d’Aimé Césaire :
« Au bout du petit matin, sur cette plus fragile épaisseur de terre que dépasse de façon humiliante son grandiose avenir – les volcans éclateront, l’eau nue emportera les taches mûres du soleil et il ne restera plus qu’un bouillonnement tiède picoré d’oiseaux marins – la plage des songes et l’insensé réveil. » ‘Cahier d’un retour au pays natal’
Un conteur vient nous enseigner le rituel que nous devons accomplir avant toute histoire, nous sommes vite emportés dans un monde entre rêve et réalité :
Je dis : leboon, ‘il était une fois’
Vous répondez, leppoon, ‘il était cette fois’….
Le passé est comme un rêve…
Peut-être que tout a commencé le jour où sa mère est morte.
Adama Diop nous offre un patchwork atypique où s'entrecroisent le cinéma qui nous mène à Dakar où nous croisons la famille, le passé et l’univers de Malal , le théâtre encré dans le réel où le conteur vient à notre rencontre, le conte où apparaissent des figures mythologiques, la musique en live interprétée par de fabuleux musiciens : Anne-Lise Binard (alto, violon, guitare électrique), Dramane Dembélé (ngoni, flûtes mandingues), Léonore Védie (violoncelle, guitare).
La réalité, le rêve, la poésie vont se mêler à travers les différents tableaux. C’est un véritable voyage initiatique.
Nous sommes à Dakar dans cette grande ville bruyante où la vie moderne et les traditions culturelles se côtoient. La mère de Malal vient d’être assassinée, Malal est en colère, il culpabilise comme il culpabilisera plus tard lors de la mort de sa femme, son sommeil est perturbé, il aimerait être poète, il se sent incompris, il s’enferme dans ses rêves qui se confondent avec le réel.
Dans ses rêves il rencontre :
Marianne qui est une allégorie de la liberté, elle le séduit et le bouscule : ‘Tu es dans la faille. Dans le dedans et tu as peur de regarder’.
Un producteur à qui il présente ses poèmes mais celui-ci le questionne : ‘comment peux-tu décrire les entrailles de la terre en restant à la surface’.
Un vieil homme aveugle qui l’attend sur une ile qui le conseille :’Quand la foudre embrasse les cieux, souviens toi du ventre de ta mère !’
Les épreuves se multiplient, Malal perd son épouse ‘Jupiter’, il sombre, se noie, se sent étrange et étranger dans cette ville qui est la sienne, il finira pas rejoindre l’Europe sous les conseils de sa grand-mère.
Dès lors, le registre change, le conteur nous décrit à travers un poème bouleversant la traversée atroce, effroyable et inhumaine de la méditerranée et l‘arrivée dans le camp de Moria en Grèce, C’est bouleversant.
Des « migrants » Mi-vivants Affublés des oripeaux de notre dignité Nous titubons Corps courbés Bras tendus Regards figés Suspendus aux lèvres de mère Europe Si elle daigne tourner son visage vers nous Et nous regarder » A.D
Adama Diot s’est rendu dans le camp de Moria sur l'île de Lesbos en Grèce, le 8 septembre 2020 un incendie l’a détruit.
« C’est tellement violent ce qu’on m’a raconté que je ne peux pas l’écrire, on me dirait c'est trop. Dans ma restitution je dois baisser le curseur du niveau de violence pour que cela soit audible. » A.D
Le conteur conclue l’histoire en nous remémorant les noms des victimes du racisme Malik Oussekine, Adama Traoré, Malcolm X, Martin Luther King…
L’écriture d Amada Diot est imagée, musicale. La mise en scène est habillement orchestrée, le va-et-vient entre la musique en live, le cinéma et la scène, crée une belle dynamique où chacun élément se complète pour nous conter cette terrible l’histoire de l’émigration.
Le parcours de Malal nous émeut et nous interroge, chaque homme à son histoire, chose que l’on oublie souvent dans cette crise migratoire.
Claudine Arrazat
SPECTACLE EN WOLOF ET FRANÇAIS SURTITRÉ.
Création musicale et interprétation Anne-Lise Binard (alto, violon, guitare électrique) / Dramane Dembélé (ngoni, flûtes mandingues) / Adama Diop (jeu) / Léonore Védie (violoncelle, guitare)
À l’écran : Emily Adams / Adama Diop / Cheikh Doumbia / Marie-Sophie Ferdane / Frédéric Leidgens / Boubacar Sakho / Fatou Jupiter Touré / Issaka Sawadogo / Joséphine Zambo /
Scénographie : Lisetta Buccellato / Son : Martin Hennart / Lumière : Marie-Christine Soma / Vidéo : Pierre Martin Oriol / Costumes : Mame Fagueye Ba / Conception des masques : Etienne Champion / Chef opérateur du film : Rémi Mazet / Musique électronique composée, interprétée et réalisée : Chloé Thévenin
En tournée 2024
Bobigny | MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis | Du 28 fév au 9 mars
Evry | Agora-Desnos, Scène national de l’Essonne | Les 12 et 13 mars
Tourcoing | Théâtre du Nord, Centre dramatique national - salle de l’Idéal | Les 20 et 22 mars
Malakoff | Théâtre 71 - Scène national de Malakoff | Les 27 et 28 mars
Antony | L’Azimut | Le 4 avril.