Le repas des fauves de Vahé Katcha, mise en scène Julien Sibre

30 Octobre 2023

Comédie Noire captivante.

Vahé Katcha de son vrai nom Vahé-Karnik Khatchadourian, "1928 - 2003" est un écrivain et scénariste français d'origine arménienne. Le repas des fauves publié en 1960 fut adapté au cinéma en 1964 par Christian Jaque où entre autres figuraient Claude Rich, Francis Blanche et Dominique Paturel.

Julien Sibre l’adapte au théâtre en 2010, La pièce eut un retentissant succès et décrocha 3 Molières en 2011, (Meilleur spectacle du théâtre privé, Meilleure mise en scène, Meilleure adaptation).

Dix ans après la dernière représentation, le directeur du théâtre Hébertot Francis Lombrail et Julien Sibre, nous offre le plaisir de la découvrir ou de la revoir ….

Nous sommes en 1942 dans un appartement bourgeois de la région parisienne, malgré les restrictions de l’occupation, Victor à réuni quelques amis pour fêter l’anniversaire de son épouse Sophie. Certains convives penchent pour la résistance, d’autres pour la collaboration avec l’ennemi, mais aujourd’hui ne gâchons pas la fête en parlant de politique……

On danse et se délecte du champagne apporté par André sans se poser de questions….

Soudain, des coups de feu retentissent, au dehors deux officiels allemands viennent d’être abattus. Aussitôt, les SS envahissent l’immeuble.

Les sept amis ne sont point rassurés lorsque le commandant SS Kaubach débarque dans l’appartement.

Ayant une certaine sympathie pour leur hôte Victor, le libraire à qui il achète régulièrement des ouvrages, le commandant SS Kaubach autorise la petite compagnie à terminer leur festivité. Mais ils devront désigner deux d’entre eux comme otages pour venger l’assassinat des officiers. Kaubach viendra les chercher dans 2 heures.

« Je ne vous demande pas de sacrifier deux des vôtres, mais d'en sauver cinq. Cinq qui devront leur vie aux deux autres. Je vous offre là un beau rôle, non » Kaubach

Nous assistons dés lors à un huis clos où chacun va essayer de sauver sa peau.

Les caractères et les convictions des différents protagonistes vont apparaitre au grand jour. Certains seront plus courageux que d’autres, toutefois face à la peur de mourir, la bassesse, la lâcheté, les non-dits et les mensonges vont apparaître au grand jour.

De quelle pleutrerie et quelle lâcheté l'homme est il capable pour sauver sa peau?

Ce texte révèle la noirceur de l’âme humaine avec un humour assez décapant qui nous réjouit et nous amuse malgré la cruauté et l’amoralité de certains personnages.

En fond de scène est projetée une vidéo « dans l’esprit de Persepolis » de Cyril Drouin qui nous transporte dans la rue, aux alentours de l’appartement où la violence de la guerre est bien présente.

La mise en scène de Julien Sibre est orchestrée avec minutie, les scénettes s’enchainent avec aisance et dynamismes.

Les lumières de Jean François Domingues nous plonge dans un clair obscur qui intensifie le suspense.

La scénographie de Camille Duchemin, les costumes de Mélisande de Serres ainsi que la musique originale de Jérôme Hédin nous transporte en un clin d’œil dans les années 40.

Les comédiens nous enchantent par la justesse de leur jeu, tous nous ravissent.

Olivier Bouana "Victor" le maitre des lieux, charmant libraire prêt à utiliser sa tendre épouse Sophie pour sauver sa peau, Stéphanie Caillol ravissante "Sophie" qui nous surprendra, Benjamin Egner "professeur de philosophie" dandy élégant, Jochen Hâgele "l’officier SS" droit dans ses boites, Ciril Aubin ou Sébastien Desjours "Jean-Paul" médecin un peu timoré et craintif, Stephanie Hedin ou Barbara Tissier "Françoise" engagée dans la résistance, Jeremy Prevost ou Alexis Victor "ancien combattant" ayant perdu la vue lors de la Grande Guerre.

Tout ce beau monde entoure l’excellent Thierry Frémont "André" mangeant à tous les râteliers et prêt à trahir les siens pour sauver sa peau.

Une comédie noire qui nous tient en haleine et nous réjouit.

Claudine Arrazat