© sudouest.fr

© sudouest.fr

On l’appelait Mbappé.

Ce samedi 17 juin, nous sommes réunis dans une marche Blanche en mémoire d’Alhoussein Camara. Un jeune Guinéen de 19 ans, qui en se rendant à son travail à quelques kilomètres d’Angoulême, le mercredi 14 juin à 4h du matin, fût victime d’un contrôle de police ayant fini par un tir mortel d’un agent sur sa personne.
Pourquoi lui avoir tiré dessus ?

Il est dit qu’il y a eu un refus d’obtempérer, qu’il a tenté d’échapper au contrôle.

Pourquoi avoir tenté de fuir Alhoussein ?
Non, tu ne nous répondras pas, tu ne répondras plus à tes amis, à ton papa, à ta maman, tous fiers de toi, du chemin que tu avais accompli, de celui que tu donnais à ta vie.

Tu venais d’avoir ton permis, ton A d’apprenti à l’arrière du véhicule.

Ils auraient dû le voir, ceux qui te suivaient depuis ton foyer de jeune travailleur.

5 km à suivre ton A, ils ne pouvaient le manquer, surtout lorsque tu patientais au feu rouge, avant de tourner pour la voie rapide. 

C’est là qu’ils se sont décidés à intervenir

Peut-être as-tu eu peur ?

Pourtant tu n’as rien à te reprocher, tu as tes papiers, tu n’as commis aucune infraction, pourquoi la police t’arrêterait ?

Toi tu n’y pas cru, tu as eu peur ! Tu as voulu leur échapper et, le coup mortel est parti !
Non, tu ne nous répondras plus Alhoussein, tu ne pourras nous dire ce qui s’est réellement passé. À présent, les seuls témoins sont les collègues de celui qui t’a ôté la vie.

Amis de la Guinée et des Guinéens, faites que la mémoire d’Alhoussein, du petit Mbappé soit honorée.

Oui, on l’appelait Mbappé. Tout le monde le connaissait avec ce nom. C’était un petit, on ne le voyait pas sortir. Sory son aîné m’a dit qu’un soir en sa compagnie, il lui a demandé :

Pourquoi tu ne vas t’amuser en boîte avec tes amis chercher les filles.
Mbappé lui dit alors : J’ai pas dix Euros à leur donner, je préfère les envoyer à ma famille en Guinée.

Sory ajoute en me regardant :  C’était un bon petit, il ne fumait pas, il ne buvait pas. Son surnom Mbappé il le méritait, c’était un bon attaquant, il jouait dans l’équipe de Leroy Somer.

À cela, j’ajouterai que c’était même un exemple pour sa communauté ; lorsqu’il rendait visite, il faisait profiter à tous de ses talents de coiffeur. Tous ceux qui l’ont fréquenté vous diront comme ils l’appréciaient : son entraîneur, son employeur, les responsables du foyer de jeunes travailleurs où il logeait, les bénévoles des associations qui l’accompagnaient depuis son arrivée.

À l’âge de 14 ans, il est parti de sa famille, de Matam son quartier de Conakry.

Il prit la route, dormant où le sol pouvait l’accueillir, jusqu’à prendre la mer et la pirogue, le menant en Europe. Il ne voulait pas être un poids pour sa famille sans moyen ; la quitter, c’était l’aider.

Sory me dit : L’année passée il avait eu son CAP de cuisine. En janvier il a gagné ses papiers. Au début il travaillait au buffalo grill de Champnier. Il prenait sa trottinette pour y aller, puis il a passé son permis, s’est acheté une voiture. Depuis deux mois il bossait à Roullet, un bon boulot un peu loin, mais bien payé. Il prenait son poste à 4h dans un entrepôt d’Intermarché.

En six mois il avait eu ses papiers, son permis, une voiture et un bon boulot.

Heureux, il l’était ; après toutes ces années ici, il pouvait enfin aider au mieux sa famille et avait le grand projet de faire venir son frère. Il disait : C’est pas facile d’être seul ici.

Le voilà, le petit Mbappé, celui dont on a pris la vie alors qu’il n’avait rien à se reprocher.

Le mercredi 14 juin en apprenant sur le web la mort d’un Guinéen lors d’un contrôle, Sory me dit : Avec mes amis, nous sommes allés au commissariat demander qui des nôtres avait été tué !
On nous a dit : Alhoussein Camara.

C’est le petit M’bappé s’écria Al !

Personne n’y croyait, un petit comme cela qui se fait tuer par la police, tu n’y crois pas !

Tellement la colère est montée que les policiers, ils ont fermé le commissariat !

Les doyens nous ont dit : Gardez le calme, on va manifester, on va défendre les droits du petit Mbappé. On a écouté, on a même participé au service d’ordre de la manifestation.

Aujourd’hui nous nous demandons tous !

Pourquoi as-tu fui Alhoussein ?

Comme tu ne peux nous répondre, nous crions !

Nous sommes en colère

Nous réclamons Justice

Justice pour Alhoussein

Nous sommes en colère !
Nous réclamons Justice !

Nous sommes en colère !

Nous réclamons Justice !

Justice pour Alhoussein !

Justice pour Alhoussein !

Le seul représentant d'État avec nous est l’ambassadeur de Guinée, descendu la veille de Paris. Aucun autre représentant officiel ne l’accompagne, ni local, ni national.
Une fois qu’il nous a quitté, à la fin de la marche, sur la place du champ de mars, pour disperser la peine des derniers manifestants qui, pancarte en main, réclament justice pour Alhoussein, les CRS chargent !
Pourtant lors de cette marche blanche, il n’y a pas eu d’incident, pas d’actes violents.
Bien sûr on a poussé la voix mais il y a eu aussi de grands moments de recueillement, notamment au départ du cortège, puis devant le palais de Justice.


Quinze jours ont passé et c’est à Nanterre qu’un jeune de 17 ans au volant d’une voiture, qui, voulant échapper à des gendarmes à moto, a appuyé sur l’accélérateur et pris la balle que l’officier pointait sur lui !  Le jour même, le maire de la ville déclare « Oui, avec sa famille et ses amis, nous voulons la justice pour NahelNous l’obtiendrons par notre mobilisation pacifique, avec ses avocats devant le tribunal et avec tous ceux qui ont la justice au cœur ».

Et la France se réveille !

Notre Président s’insurge et proclame : « Rien ne justifie la mort d'un jeune ».
Même Mbappé, le grand, le héros national, celui qui nous remplit de joie à chacun de ses buts, réagit et dit « je ne reconnais pas ma France » Il n’a pas dû avoir vent de ton histoire, petit M’Bappé, sinon il aurait dit quelque chose pour toi, j’en suis sûr !

D’autres personnalités ont témoigné de leur solidarité, comme de leur révolte, demandant justice pour Nahel.

Mais pas un mot pour Alhoussein !

Peut-être que la Charente, c’est un autre pays.

Au dernier conseil municipal d’Angoulême, pas une minute de silence, pas une pensée, toujours aucun mot pour Alhoussein.
Ce silence, c’est du mépris, une insulte, une humiliation, envers ceux qui contiennent leur colère.

Nous, nous respectons ta mémoire Alhoussein, ta dignité, comme celle qui s’exprime dans les mots de ton père, meurtri, en évoquant ton décès. Nous avons manifesté dans la paix, contenu notre rage, tenté de témoigner par notre retenu le bon gars que tu étais, mais voilà, personne ne nous entend !
Ceux qui sont abasourdis par le feu qui prend en sont les pyromanes dans leur ignorance.
Ne voient-ils pas ce qu’ils font !

Dans ce temps où la révolte et l’injustice font l’actualité, il serait bon de retrouver un peu de paix, de promouvoir la solidarité plutôt que les privilégiés, de parler avec respect plutôt qu’avec défiance ou mépris.

J’écris car j’ai les mots, ceux qui ne les ont pas n’ont que la violence !
Par eux je veux briser le silence et rendre hommage à la mémoire d’Alhoussein, et à sa famille.

Les faits sont là !

Le petit Mbappé n’est plus là.

 

Stef Donaba  

https://www.facebook.com/donaba.net

 

A lire aussi: La parole du papa.

https://www.charentelibre.fr/charente/saint-yrieix-sur-charente/nous-sommes-des-parents-meurtris-clame-le-pere-du-jeune-homme-tue-sur-un-controle-de-police-a-saint-yrieix-15591641.php

 

 

 

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :