Puissant, Percutant, Remarquable.
Sylvain Creuzevault, auteur, metteur en scène et comédien, après nous avoir enchanté avec Le grand inquisiteur 2020 et Les frères Karamazov 2021 et Edelweiss en 2023, nous offrent L’esthétique de la résistance, de Peter Weiss avec le groupe 47 de l’école du TNS.
Peter Ulrich Weiss (1916-1982) est le fils d'un petit industriel juif berlinois. L'arrivée d'Hitler au pouvoir pousse sa famille à l'exil en Suéde. Il réalise, entre 1952 et 1955 une série de films expérimentaux. Il connait un franc succès international en 1964 avec "La persecution de l'assassinat de Marat". Il fonde une nouvelle esthétique, "le théâtre Documentaire" avec sa pièce "L'Instruction" en 1965. Le prix Büchner lui est décerné à titre posthume.
Je ne suis pas assis entre les chaises, mais sur le tabouret inconfortable du socialisme. » Peter Weiss
L’esthétique de la résistance, est un roman en 3 tomes, publié entre 1975 et 1981. Il est considéré comme l’un des chefs d’œuvre de la littérature du XX éme siècle.
C’est l’histoire du mouvement ouvrier luttant contre le fascisme de 1937 jusqu’à la chute du troisième Reich en 1945. Nous rencontrons le narrateur à Berlin révolté contre la montée du fascisme, en Espagne avec les Brigades rouges, à Paris pendant les accords de Munich puis en Suède où il rejoint les milieux clandestins anti fascistes.
La complexité du monde par le biais d' œuvres d'art. Tout au long du parcourt du mouvement ouvrier lutant contre le fascisme, des œuvres d’art remarquablement interprétées, aiguisent et aiguillent notre regard et notre sens critique, la frise de l'autel de Pergame, Le Massacre des Innocents et Le Triomphe de la Mort de Brueghel, Guernica de Picasso, La liberté guidant le peuple de Delacroix , Le radeau de la méduse de Géricault, Gaudi, …C’est passionnant.
« Le roman mêle deux fils : une histoire des représentations de la lutte des classes à travers les arts et une histoire de la résistance intérieure allemande au nazisme ». S. Creuzevault
Le premier tome, commence à Berlin devant la frise de l'autel de Pergame représentant, la Victoire des Dieux sur les Géants.
Un jeune ouvrier allemand, juif et communiste, le narrateur, commente la frise en compagnie de sa mère et ses amis, Horst Heilmann et Hans Coppi. Ils discutent de leurs engagements pour lutter contre la montée du nazisme. Devant cette frise, bien des questions se posent…
Qui sont les Dieux, qui sont les Géants ? Et pourquoi pas la puissance de la Russie contre le III Reich...
Qui étaient ils donc ces ouvriers esclaves ayant acheminé les blocs de marbres ?
Le narrateur souligne que l’art est un moyen d’expression de la souffrance et de la révolte des homme. Les jeunes ouvriers doivent se donner les moyens pour avoir accès à l’art.
L’art peut-il être un outil de résistance politique face aux forces du pire?
Puis, en un clin d’œil, la frise se subdivise, les panneaux glissant côté cour, l’éclairage s’assombrit, nous sommes à l’usine. Le narrateur et ses compagnons entonnent un RAP dynamique et rythmé sur la condition ouvrière...
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Deuxième tome s’ouvre au Cabaret du désespoir à Paris Joséphine Backer, Édit Piaf, Maurice Chevalier… C'est vivant et réjouissant. C'est à Paris que le narrateur rencontre les membres de L’orchestre rouge, un réseaux d'espionnage en contact avec l'Union soviétique. Puis il s’exile en Suède où il rencontre Brecht. Pour symboliser cette rencontre, nous assistons à une répétition de Mère courage dirigée par Brecht lui-même. Une mise en abime remarquable, dans la pénombre Mère courage le visage voilé dans un beau costume en lin, tire sa cariole-maison-commerce et cantine. Brecht dirige son petit monde avec autorité et persuasion. C'est troublant, Brecht est bien là son nos yeux. Notre narrateur adhère à la résistance fasciste , sous- terraine suédoise.
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Troisième Tome est sombre, c’est la dictature de Staline, le nazisme, les exécutions, la déportation des juifs. La défaite de la résistance au fascisme.
Nous parcourons l’Europe, l'Allemagne, l'Espagne, la France, la Suède nous rencontrons Coppi, Heilmann, , Hodann, Ayschmann, Brecht en compagnie du narrateur un des rares personnages fictifs. La scénographie simple et efficace, nous transporte avec grand brio au Pergamon, à l’usine, dans une gare, dans un appartement, au cabaret, à la caserne…La variation des lumières et ses magnifiques clairs obscures, la création musicale harmonieuse, les costumes d’une belle esthétique, intensifient les émotions. La mise en scène de Sylvain Creuzevault est grandiose et orchestrée avec minutie et grand talent. Le théâtre documentaire, le théâtre du récit, la Commedia dell’arte, le cabaret et le théâtre de tréteaux, cohabitent et fusionnent pour notre plus grand plaisir.
Les acteurs sont époustouflants, tous jouent, chantent, dansent avec un extraordinaire talent. Ils nous emportent dans leurs convictions et leurs passions, nous enchantent en entonnant des chants partisans, ils nous réjouissent par leurs gestuelles parfois clownesses et chargées ironie, la justesse de leur jeu nous émeut et nous fascine.
Claudine Arrazat
D'après le roman éponyme de Peter Weiss, traduit de l’allemand par Éliane Kaufholz-Messmer publié aux Éditions Klincksieck en 2017
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Avec:
Juliette Bialek : Hélène Weigel, Ilse Stöbe / Yanis Bouferrache : Horst Heilmann, Svård, un acteur de Brecht / Gabriel Dahmani: le narrateur / Valérie Dréville : la mère de Hans Coppi, Ruth Berlau, Mildred Harnack / Vladislav Galard : Peter Weiss, Willi Münzenberg, Richard Stahlmann / Pierre-Félix Gravière : Jacques Ayschmann, Arvid Harnack, un acteur de Brecht / Arthur Igual : le père du narrateur, José Díaz Ramos, Bertolt, Brecht, Kurt Schumacher / Charlotte Issaly: Marcauer, Otto Katz, Margarete Steffin, Karin Boye, Libertas Schulze-Boyzen / Simon Kretchkoff : Hans Coppi, un acteur de Brecht / Frédéric Noaille : Max Hodann, Jakob Rosner, Wilhelm Vauck / Vincent Pacaud : un·e associé·e de Katz, un acteur de Brecht, Herbert Wehner, Adam Kuckhoff / Naïsha Randrianasolo: la mère du narrateur, une actrice de Brecht, Anna Krauss / Lucie Rouxel : Charlotte Bischoff, une actrice de Brecht / Thomas Stachorsky : Nordahl Grieg, Maurice Chevalier, Haro Schulze-Boyzen, Harold Poelchau / Manon Xardel : un·e associé·e de Katz, Lise Lindbæk, Rosalinde von Ossietzky, Elisabeth Schumacher.
scénographie et accessoires : Loïse Beauseigneur, Valentine Lê / costumes, maquillage et masques : Sarah Barzic, Jeanne Daniel-Nguyen / maquillage et perruques : Mityl Brimeur / lumière : Charlotte Moussié en complicité avec Vyara Stefanova / musique originale : Loïc Waridel, Pierre-Yves Macé / machinerie : Léa Bonhomme / vidéo : Simon Anquetil / dramaturgie : Julien Vella/ assistanat à la mise en scène : Ivan Marquez.
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Production Élodie Régibier, Anne-Lise Roustan / Production TNS – Théâtre National de Strasbourg. / Coproduction et production déléguée Compagnie Le Singe. / La MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis et le Festival d’Automne à Paris présentent ce spectacle en coréalisation.
Peter Weiss est représenté par L’Arche – Agence théâtrale.
À ceux qui viendront après nous, le poème représenté écrit par Bertolt Brecht en 1938 pendant son exil est publié dans le recueil Poèmes Tome 4 à L’Arche Éditeur (1966) dans une traduction d’Eugène Guillevic.
Remerciements à Jean-Gabriel Périot, réalisateur du court-métrage Under Twilight (2006), musique de Patten (Groupe), qui nous a autorisé à diffuser gracieusement des images de son film.
Le spectacle a été créé le 23 mai 2023 au Théâtre national de Strasbourg. Dans le cadre du Festival d'Automne 2023
durée 4h (deux entractes compris)1h05 / entracte / 1h / entracte / 1h15
Odéon 6e