Puissant, Poétique, Remarquable.
« Faire enfin dire quelque chose à Quelqu’Un qui serait le Pauvre, ce bon Pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours. Voilà ce que j’ai tenté » Jehan-Rictus
Quelques mots sur l’auteur.
Jehan-Rictus 1867-1933 de son vrai nom Gabriel Randon, eut une enfance difficile, élevé par sa mère maltraitante, il quitte le domicile familial à 16 ans, après quelques années de galères, il s’installe dans le quartier de Montmartre où il finira ses jours. Il jouera et chantera dans les cabarets Montmartrois son premier recueil « Les soliloques du pauvres » publié en 1897 où il fait monologuer un sans- abri qui erre dans les rues de Paris. Son second recueil apparaitra qu’en 1914 « Le cœur populaire ». Un square lui est consacré en 1936 dans le quartier de Montmartre, au pied du métro Abbesses, dans lequel se dresse le fameux "mur des je-Rictus t’aime".
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Des textes puissants, d’une violence bouleversante.
A travers six textes choisis dans le dernier recueil de Jehan-Rictus « Le cœur populaire » : Les Petites Baraques, La frousse, Idylle, La Charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du Réveillon, La Jasante de la Vieille, Berceuse pour un Pas-de-Chance, Agathe Quelquejay nous offre une heure de voyage émouvant dans les bas fonds de la société du milieu du 19 -ème où les classes inferieures triment et vivent dans des conditions vétustes n’ayant pas toujours de quoi se mettre sous la dent. La violence est partout, les complots se multiplient, les malfrats rôdent, les prostituées arpentent les trottoirs et les policiers s’arment de sabres. Agathe Quelquejay nous ensorcelle et nous captive par la justesse et la profondeur de son jeu. Ces textes sont puissants et d’une violence bouleversante. Les mots sont simples et crus, ils résonnent comme les pas martelant les pavés des ruelles.
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Une interprétation remarquable.
Sous les voutes du théâtre de l’Essaïon, dans la pénombre, juste quelques bouquets de bougies en fond de scène et côté jardin, créent une ambiance une peu mystérieuse et nous transportent dans le Paris sombre et miséreux du 19eme. Nous allons à la rencontre de Jehan-Rictus dont les poèmes nous parlent d’injustice, de misère, de violence, de souffrance mais aussi d’amour et de tendresse. La frousse évoquant la peur de petites filles terrorisées par la violence de leur père rentrant le soir saoul à la maison et venant les caresser sous les couvertures… ou l'histoire de cette prostituée dans La charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du réveillon qui implore la Vierge Marie de l’aider ou de la rappeler à ses côtés… ou encore La jasante, cette vieille femme se rendant au carré des guillotinés pour parler à son fils enseveli dans la fosse commune comme s’il était encore enfant..
« Oh ! Louis, si c’est toi, tiens-toi sage ; sois mignon... j’arr’viendrai bentôt, seul’ment, fais dodo, fais dodo comme aut’fois dans ton petit lit, tu sais ben... ton petit lit-cage ?
Chut !... c’est rien qu’ ça... pleur’ pas j’te dis, fais dodo va... sois sage, sage, mon pauv’ tout nu... mon malheureux, Mon petiot, mon petit petiot. »
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La mise en scène de Guy-Pierre Couleau est magnifiquement orchestrée, un espace musical nous mène d’un poème à l’autre avec élégance et douceur. Agathe Quelquejay incarne une dizaine de personnages passant d’un récit à l’autre avec fluidité, brio, sincérité et justesse, sa gestuelle parfois vive et violente puis plus mélodieuse, amplifie la puissance des mots qui s’envolent et viennent nous frapper en plein cœur.
Un magnifique moment de théâtre à voir absolument.
« À l’heure où la guerre frappe à la porte, où les femmes et les enfants sont encore maltraités, battus, violés, troqués, assassinés, les thèmes abordés sont d’une actualité criante ». A. Q
Claudine Arrazat
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Agathe Quelquejay Mise en scène : Guy-Pierre Couleau Création lumières : Laurent Schneegans Musique : Hervé Devolder
Théâtre de l’Essaïon 6 rue Pierre au Lard 75004 jusqu’au 1 Avril lundi 21H Mardi 19H