Poétique, Magnifique, Percutant.
Arthur Nauzyciel nous offre pour notre plus grand plaisir, « Les Paravents », dans une brillante, éloquente et splendide mise en scène 58 ans après le scandale dirigé par l’extrême droite proche de l' OAS. Cela eut lieu dans ce même théâtre de l’Odéon alors dirigé par Jean-Louis Barrault, lors de sa création en 1966 dans une mise en scène de Roger Blin. En 1983, la pièce fut remontée et mise en scène par Patrice Chéreau au théâtre des Amandiers.
La pièce fut écrite pendant la guerre d’Algérie mais cette guerre n’est que le fil conducteur pour dénoncer ses violences et ses horreurs, elle aurait pu se passer dans un tout autre pays arabe colonisé. Elle peint un portrait intraitable de l’armée française en Algérie où fellagas et légionnaires s'affrontent pendant qu'autour d'eux s'agitent travailleurs arabes et colons. Mais dans la mort, tous se rejoignent et les ennemis découvrent leurs ressemblances secrètes.
" Ceux qui vont sur la terre d'ici peu seront dedans. C'est les mêmes... "
Sur le plateau, un immense escalier blanc étincelant emplit l’espace inondé de lumière. Les différents personnages vont jaillir de cette gigantesque montagne et se mouvoir dans une chorégraphie magnifique aux mouvements lents, élégants et gracieux.
A son sommet apparait un homme, il descend lentement vers nous en silence, une femme vient à sa rencontre…L’homme, c’est Saïd des Orties un travailleur pauvre, arrive à ses côtés sa mère vêtue de dentelles noires pour l’accompagner et pour prendre en justes noces Leïla une jeune femme laide. « la plus laide du pays d’à côté et de tous les pays d’alentour ». Le pauvre et la laide.
Dans une succession de tableaux, la révolution s’organise autour des nombreux personnages: autochtones, colons, fellagas ou légionnaires.
Les prostituées vêtues d’élégantes robes en lamé doré en compagnie et leurs clients, les soldats.
Les ouvriers arabes sous l'autorité des colons, patrons bedonnant et arrogant.
Les villageois condamnant Leila et Saïd de leurs larcins.
Les combats entre légionnaires et fellagas
L’enterrement d’un légionnaire au milieu d’une bourrasque de pets. (scène qui fit hurler en 1966)
La mère en visite au royaume des morts.
…
Des dizaines de personnages défilent sous nos yeux dans une mise en scène époustouflante, orchestrée avec grande minutie. Tous vêtus de costumes recherchés et de belle esthétique.
Avec le temps, les personnages rejoindront le monde des morts, ils se retrouveront et abattront les frontières entre eux dans un grand fou rire se moquant du monde et de sa bêtise.
Les comédiens sont excellents, leurs paroles viennent nous frapper en plein cœur, leur gestuelle est stupéfiante, ils gravissent, glissent, dansent, se mouvent avec grâce dans une chorégraphie réglée avec grande justesse sur ce gigantesque et élégant escalier. Par intermittence, des arrêts sur image nous impressionnent par leur beauté picturale.
Le texte de Genet puissant, éloquent et percutant est magnifiquement porté par une équipe de talentueux comédiens dans une superbe mise en scène. Un spectacle qui ne peut que vous enchanter.
Claudine arrazat
Hinda Abdelaoui : Léïla / Zbeida Belhajamor : La servante du bordel, Nejma (une pleureuse), la communiante, Djemila (une prostituée) / Mohamed Bouadla : Ahmed, Nestor (légionnaire), un gardien / Aymen Bouchou : Saïd / Océane Caïraty : Malika, une pleureuse, Preston (légionnaire) / Marie-Sophie Ferdane : La mère / Xavier Gallais : Madani, la voix du mort, le lieutenant, l’académicien / Hammou Graïa : Mr Blankensee, le notable,Si Slimane, le missionnaire / Romain Gy : Le gardien de prison, le soldat 1840, fils de Sir Harold, Roger (légionnaire), le voleur / Jan Hammenecker : Sir Harold, Mme blankensee, Jojo (légionnaire) / Brahim Koutari : Bachir, Pierre (légionnaire) / Benicia Makengele : Kadidja / Mounir Margoum : Habib, le gendarme, le général, Salem, le combattant / Farida Rahouadj : Warda, une pleureuse / Maxime Thébault : Le sergent, le reporter / Catherine Vuillez : La vamp, Ommou / Et la voix de Frédéric Pierrot
Dramaturgie : Leila Adham / Travail chorégraphique : Damien Jalet / Lumières :Scott Zielinski / Scénographie et accessoires : Riccardo Hernández avec la collaboration de Léa Tubiana / Sculpture : Alain Burkhart / Son : Xavier Jacquot / Vidéo : Pierre-Alain Giraud / Costumes, maquillages, coiffures et peinture des djellabas : José Lévy / Coiffures et maquillages : Agnès Dupoirie
Créé le 29 septembre 2023 au Théâtre National de Bretagne production Théâtre National de Bretagne, centre dramatique national (Rennes) coproduction Maison de la Culture d’Amiens avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et avec le dispositif d’insertion de l’École du Nord, soutenu par la région Hauts-de-France et le ministère de la Culture avec le soutien de l’École de la Comédie de Saint-Étienne / DIESE # Auvergne-RhôneAlpes
Odéon 6° jusqu'au 19 Juin 2024