Mise en scène de Patrice Kerbrat, avec Charles Berling, Jean-Pierre Darroussin et Alain Fromager.
Quel grand moment de théâtre.
Cette pièce de Yasmina Reza a failli ne jamais voir le jour. Issue d’une histoire vraie, elle fut abandonnée par son auteure puis dans un élan de regrets reprise et éditée au grand bonheur de nous tous.
Marc, Serge et Yvan sont amis depuis de nombreuses années.
Serge bien installé dans la vie, fréquente le monde de l’art contemporain. ............................................................................... Marc est attaché à des valeurs plus traditionnelles, son existence repose sur des valeurs sures. ........................................................... Yvan fuit les conflits, il tolère facilement les idées des autres, étant peu satisfait de sa propre existence.
À la suite de l’acquisition par Serge d’un tableau blanc d’une valeur de 30 mille euros, il va s’ensuivre une confrontation entre les trois compères.
Comment réagir devant l’achat onéreux d’une œuvre d’art qui vous semble incongru. Mais cette comédie dépasse de loin la polémique sur l’art contemporain.
Une amitié passionnée et exclusive lie ces 3 compères. Marc reproche à Serge de vouer plus d’admirations à son tableau qu’à lui-même. Yvan essaie tant bien que mal d’étouffer ce conflit, sans ses amis, sa vie devient terne et grise.
Que pensent-ils réellement des uns des autres. Les vérités et les non-dits vont surgir. Se connaît on si bien après tant d’années ?
Blanc ou pas, ce tableau donne réflexion à chacun. L’art ne laisse pas neutre. Les émotions sont là.
C’est une comédie, nous rions beaucoup. Mais une comédie profonde qui nous questionne sur les relations humaines mais aussi sur la création. C’est du grand ART tant dans l’écriture que dans l’interprétation. On ressent une complicité et une grande connivence entre les trois comédiens. Les regards échangés, les silences, les gestes, tous semblent naturels et évidents.
Jean-Pierre Darroussin (Yvan), époustouflant dans la tirade où il explique à ses deux amis Marc et Serge le pourquoi de son retard. On retrouve avec grand plaisir « Jean-Pierre Darroussin » populaire et attachant que l’on suit dans la filmographie de Robert Guédiguian.
Alain Fromager (Serge) nous campe avec brio un homme un peu snob, ayant une certaine estime de lui-même mais nous en percevons les faiblesses qui nous le rendent sympathique.
Charles Berling (Marc) interprète avec beaucoup de prestance cet homme assez rationnel et manquant de souplesse. Mais aussi très émotif ce qui le rend parfois un peu tyrannique.
J’avais eu grand plaisir de voir Alain Fromager dans « La fuite » au TGP et Charles Berlin dans » La solitude des champs de coton » au TQI. J’étais ravie de retrouver ses deux grands talents théâtraux.
La mise en scène est épurée comme « la toile blanche », murs blancs, canapé blanc, sol blanc. Dans ce décor vont évoluer nos personnages vêtus de couleurs sombres. Les jeux de lumière nous transportent dans les pensées secrètes des uns et des autres. C’est beau, esthétique, intimiste et assez émouvant.
Créé en 1994, par Dominique Darzacq avec Fabrice Luchini, Pierre Vaneck, Pierre Arditi, elle fut tout d’abord rejetée par l’intelligentsia parisienne comme étant une pièce rétrograde par rapport à l’art contemporain. Elle eut tout de même 2 Molières et fut traduire en plusieurs langues.