Tendre, Emouvant, Réjouissant.
Jean-Claude Grumberg nous offre comme à l’accoutumé, un texte plein de tendresse, d’amour et d’émotions. Enfant, son père fut arrêté sous ses yeux et déporté ainsi que ses grands-parents, en filagramme, cette tragédie hante son œuvre: L’Atelier, Zone Libre, Demain une fenêtre sur rue, La plus précieuse des marchandises. Jean-Claude Grumberg a reçu entre autre le Grand prix de l'Académie française en 1991.
L’histoire de Moman et de son fils Louistiti est un hommage à sa mère disparut aujourd’hui. Tout comme Maman revient pauvre orphelin (1993) et Votre maman (2012), mais aujourd’hui, le petit garçon qu’il était fait parti de l’histoire
« Depuis quelques années, Moman cherchait à se loger à Paris. Elle avait peur de s’y retrouver sans abri avec Louistiti, son fils unique et préféré. Elle avait peur, comme en son temps ma vraie maman à moi avait eu peur elle aussi... ». J-C G
Dans une petite cabane de toile, un peu précaire, nous faisons connaissance avec cette Moman aimante, courageuse, patiente et attentionnée, élevant seule son petit Louistiti curieux, posant mille questions, ayant peur du noir et pas toujours très obéissant.
Dès le premier instant, nous sommes emportés avec émotions et plaisir dans cette jolie histoire. Dans la pénombre, en ombre chinoise, on aperçoit Moman et Louistiti se préparant pour la nuit, Moman demande à son fils « met ton pyjmaça » mais Louistiti a du mal à s’endormir : « - Moman, - Quoi acore , - J’ai peur !, - T’as peur , - J’ai poeur Moman, - T’as peur de quoi acore ?- J’ai peur de me réveiller. - Avant de te réveiller j’te ferais dire faut d’abord dormir ! …... »
C’est magnifique, quelle belle idée que ce langage qui nous plonge dans l’enfance. Un vrai bijou.
Louistiti est attachant mais parfois fatiguant pour Moman qui lui répond toujours avec finesse. Moman doit rassurer son Louistiti sur bien des choses… des avions dans le ciel, de la guerre, de ses déceptions amoureuses et mille questions que se pose un enfant sur la vie, sur sa famille disparue, sur l’avenir … Pourquoi le père n’a pas payé « l’electrique, » pourquoi pendant la guerre certains devaient se cacher, pourquoi….
Une Moman courageuse qui avec peu de moyen pali à tous les besoins de Louistiti. Une Moman qui aimerait protéger son fils en l’endurcissant un peu pour qu’il soit heureux.
« Le matin quand je me lève, j’me donne des grands coups de torchon dans le citron et des grands coups de talon dans le popotin, et pis quand j’ai bien mal, j’m’empêche de pleurer en me pinçant très fort le tarin. » dit-elle avec humour.
Une Moman qui a parfois le cafard car la vie est difficile, alors elle boit... et cela lui donne le « blouse ».
Hervé Pierre et Clotilde Mollet sont extraordinaires, installés dans un petit cabanon au mur décoré de gribouillages enfantins, de tentures colorées, ils nous entrainent avec brio dans l’intimité de Moman et Louistiti. Clotilde Mollet en jeune garçon ébouriffé, Hervé Pierre en Moman courageuse et aimante. Plus tard, les années auront passées et nous retrouverons Louis venant rendre visite à sa chère Moman, c’est magnifique et bouleversant. Une petite surprise vous attend...
La mise en scène malicieusement orchestrée et les décors astucieux de Noémie Pierre sont empreints de poésie et nous mènent avec bonheur dans le monde de l’enfance avec ses joies, ses angoisses et ses rêves.
Un pur moment de plaisir, qui ne peut que vous réjouir. Un texte magnifique incarné par des comédiens hors pair.
Claudine Arrazat
Avec Clotilde Mollet et Hervé Pierre
Lumières Nieves Salzmann
Costumes Siegrid Petit-Imbert
Décors Noémie Pierre
Musique Hugo Vercken
La Scala 13 boulevard de Strasbourg 75010 Paris.
Jusqu’au 19 juin 2024. Durée 1h05.
Festival d’Avignon 10H15 Scala 3, rue Pourquery de Boisserin relache le lundi