Poétique, Poignant, Envoutant, mystique.
Une histoire bouleversante interprète avec brio par Jessica Astier dans une mise en scène orchestrée avec minutie et finesse par William Mesguich.
Carole Martinez était à la recherche d’un château pour un nouveau roman sur Barbe Bleu, lorsqu’elle découvre par un pur hasard de circonstances le château de Montal construit en 1523 par Jeanne de Balzac, pour son fils. L’histoire et l’architecture de ce château remplit de mystères, l’ont conduite à faire des recherches sur les recluses emmurées vivantes pour prier Dieu. C’est ainsi que Le domaine des murmures couronné en par le Prix Goncourt des Lycéens en 2011, vu le jour.
Nous sommes en 1187, au moyen-âge au côté d’Esclarmonde, jeune fille fervente croyante vénérant Sainte Agnès. Sur ordre de son père, Esclarmonde est dans l’obligation d’épouser Lothaire de Montfaucon, connu pour sa débauche. Elle se révolte comme l’avait fait sainte Agnès, se tranche l’oreille, refuse les épousailles et déclare s’offrir à Dieu. Elle demande à son père de construire une chapelle en l’honneur de sainte Agnès et de l’emmurer à ses côtés. Furieux de cet affront, son père cède à ses vœux. La jeune fille est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux.
Elle désirait la solitude mais un horrible secret qu’elle emporte avec elle, va changer son devenir. C’est à travers les barreaux de sa fenestrelle, seul contact avec la vie que les villageois viendront se confier et qu’elle aura écho de la violence du monde.
La mise en scène de William Mesguich est d’une belle créativité, nous sommes plongés dans l’univers d’Esclarmonde au premier instant. Entre ombre et lumière, une salle aux murs de pierre s'offre à nos yeux. Côté jardin une fenestrelle pourvue de barreaux par laquelle Esclarmonde pourra communiquer avec le reste du monde, côté cour un petit autel qui sera son lieu de prières, au centre un piédestal surmontée d’une voute moyenâgeuse, nous sommes dans l’antre d’une chapelle. Une ambiance monacale règne.
Des vidéos projetées sur les murs de pierre vont créer un climat parfois doux et mystique, parfois plus inquiétant… Les variations de lumière et la création musicale intensifient les émotions. Nous sommes ensorcelés, nous partons en voyage au fin fond du moyen-âge captivés par l’histoire de cette femme qui a choisi de s’emmurer plutôt que d’accepter son sort de fille soumise.
Jessica Astier ne se contente pas d’interpréter avec grand brio cette jeune femme osant braver l’autorité paternelle en se réfugiant dans la foi, mais elle se glisse et incarne avec une aisance époustouflante sa sœur de lait qu’elle va sauver d’un mariage forcé, sa belle-mère venant lui demander de l’aide...
Dans sa solitude vivant à l’intérieur de sa grotte, elle soigne ses blessures mais aussi celle des autres, Jessica Astier est bouleversante et nous émeut par la justesse de son jeu.
Un conte mystique qui nous transporte et nous chavire, une femme sous la domination masculine qui ose dire non mais aussi une femme violentée, une mère affligée dont on adhère à la souffrance.
Au moyen âge de nombreuses jeunes femmes n’ayant point le choix de leurs désirs et de leur destin, ont préféré vivre emmurées et de se réfugier dans la religion contemplative, plutôt que de subir la loi patriarcale intraitable. Un défi pour garder son indépendance, les premiers féministes.
Claudine Arrazat
Adaptation et interprétation Jessica Astier /Création musicale et sonore Tim Vin / Costume Alice Touvete / Scénographie et affiche Jessica Astier / Construction décor Grégoire / Création vidéo Mehdi Izza / Régie Patrice Hennequin / Coproduction Sea Art - Théâtre de l’Étreinte / Spectacle Tout public à partir de 14 ans;
Jusqu'au 27 juin au Théatre du Lucernaire rue Notre Dame des Champ Mercredi > Samedi 19H | Dimanche 16h
Festival Avignon 2024
10h00 Théâtre du Roi René Durée : 1H15 du 3 au 21 juillet relâche lundi