Puissant, Violent, Ensorcelant, Poétique.
« Nous c’est le silence qui raconte, les hommes il leur faut une voix » A.S
Je suis la bête est la réécriture pour le théâtre des Trois Parques, par Anne Sibran de son roman publié chez Gallimard, à laquelle la comédienne Julie Delille donne chair.
Méline nous conte son histoire. Abandonnée a son plus jeune âge au fond d’un placard dans une maison isolée au milieu de la forêt, elle est sauvée par une chatte sauvage dont elle boira le lait. Elle va se comporter comme un animal vivant au milieu des bois, chassant et croquant la chair crue au côté de son amie nourricière, la chatte forestière.
" Un jour, ils m'ont poussée dans un placard, puis ils ont refermé la porte. Et je ne les ai jamais revus. Ni la femme qui m'a sortie de son ventre. Ni l'homme qui me portait un peu. » A.S
C’est un récit dérangeant et puissant, au cœur de la nature où il faut tuer par instinct de survie pour se nourrir. C’est effrayant, nous sommes sous le choc, on sent l’odeur du sang, la profondeur des taillis, le parfum de la forêt, le petit bruit étrange qui nous surprend, la peur de l’inconnu. C’est bouleversant et d’une brutale beauté.
Méline vit en accord avec son univers jusqu’au jour où elle est capturée par un homme qui va tenter d’en faire une petite fille. Elle va découvrir la violence du monde des hommes, apprendre à se tenir droite, à relever la tête, à répéter les paroles de hommes. C’est d’une grande souffrance pour Méline, en voulant l’humaniser, on a fait d’elle une bête.
Méline quittera les hommes et la civilisation pour retourner dans son monde…
"Elle nous montre ce que nous refusons peut-être de voir : le schisme, l’abîme que - nous humains - avons créé avec les mondes du vivant." J.D
La mise en scène surprenante va nous immerger dans un monde inconnu et mystérieux. Les premiers mots de Méline surgissent dans le noir et viennent nous frapper avec force en plein cœur, au premier instant nous sommes fascinés et impressionnés par ce récit.
Les silences sont profonds et riches d’émotions, les bruits évoquent l’univers de la forêt, les jeux de lumières, parfois dans la pénombre ou dans l’obscurité totale, intensifient fortement nos sensations. Notre imaginaire s’engouffre dans ce texte, les images surgissent, nous entrons dans l’univers de Méline, c’est magique.
Julie Delille est époustouflante, la modulation de sa voix, sa gestuelle, son talent nous enchante et nous bouleverse.
La scénographie de Chantal de la Coste, la création lumière Elsa Revol, la création sonore Antoine Richard, fusionnent et s’harmonisent pour mettre en valeur ce texte d’une grande poésie d’Anne Sibran, mise en scène et interprété avec brio par Julie Delille.
"Comment un être à l’état de nature, au contact des hommes cherchant à le civiliser, devient une bête. Le monstre n’existant que dans notre conception, il s’apparente souvent à l’inconnu." J.D
Claudine Arrazat
Du 23 mars au 4 avril au Théâtre Nanterre-Amandiers
mar, mer à 19h30 / jeu, ven à 20h30 / sam à 18h / dim à 15h
Scénographie, costume et regard extérieur Chantal de la Coste / Création lumière Elsa Revol / Création sonore Antoine Richard / Collaboration artistique Clémence Delille Baptiste Relat
Le roman Je suis la bête est publié aux éditions Gallimard collection Haute Enfance.
Autour du spectacle Samedi aux Amandiers Samedi 23 mars : rencontre avec Julie Delille et Anne Sibran à l’issue de la représentation.
Mercredi 27 mars à 20h40 : rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation.
Tout au long de l’exploitation, un cabinet de curiosité réalisé en écho au spectacle par l’équipe artistique est installé dans le hall du Théâtre éphémère.