AILLEURS / APRÈS au Théâtre du Petit Montparnasse

Ce spectacle a des airs de fugue tranquille. Une escapade à deux. Improbable. Presque mystérieuse tant elle est incongrue, pleine d’élans et de retenues. Un départ commun pour un ailleurs et des après.

L’histoire démarre comme une romance. Un homme figé dans ses souvenirs. Une jeune femme surgit. Elle lui parle de partir, là, tout de suite. Il hésite, elle insiste. Et un voyage commence, quelque part entre la mémoire et le désir de vivre encore. On y parlera du temps, de l’amour et des regrets aussi, de ces secondes suspendues qui peuvent changer le cours d’une vie.

La pièce d’Arnaud Bédouet avance avec une légèreté feinte. Sous le vernis du voyage, elle s’attarde sur l’humain, les remords, les secondes chances. L’écriture est fluide, avec des phrases qui inspirent, des silences qui parlent et ces sortes de drôleries poétiques de petits morceaux de parlé-chanté délicieux. L’humour affleure sans forcer, parfois piquant, souvent tendre. On entend dans les dialogues une envie d’équilibre entre la lucidité et le rêve, entre la peur de se relancer et le désir d’essayer quand même.

La mise en scène de Catherine Schaub accompagne tout cela avec un sens précis du rythme. Le fil narratif semble se transformer à vue. Le décor ingénieux se plie aux états d’âme des personnages. La voiture devient un symbole mouvant. On sent que tout a été choisi pour servir autant le voyage intérieur que l’autre, celui qui se fait dehors, sans doute dans l’imaginaire d’un passé qui s’échappe et d’un présent qui voudrait crier son désir d’avenir.

Le duo formé par Philippe Magnan et Lou Chauvain fonctionne admirablement. Lui, homme blessé, murmure plus qu’il ne parle, retient, observe, laisse le monde revenir à lui. Elle, pleine d’énergie et de désordre vital, pousse, relance, dérègle la mécanique tranquille du temps. Ensemble, ils trouvent une justesse singulière. Elle comme lui semble porter l’autre, comme si le texte n’existait que dans leur échange. Leur relation s’installe peu à peu, à pas légers, jusqu’à créer une émotion discrète mais durable.

Il y a un charme de la retenue qui parfume ce spectacle. Une façon de parler de choses sérieuses sans gravité inutile. L’amour, la perte, la mémoire, la peur de recommencer, tout cela affleure dans une atmosphère à la fois drôle et apaisée.

Le spectacle ne cherche pas à bouleverser, il préfère accompagner l’appropriation de son histoire. Sans effets spectaculaires ni de morale appuyée. Pas de grands mots. Juste deux personnages qui avancent, maladroits et profondément humains.

Et c’est peut-être là la vraie force du spectacle. Offrir un temps de théâtre où l’on prend le temps de respirer, d’écouter deux êtres se frôler et se défier, s’apprivoiser et se dévoiler pour nous raconter leur voyage d’hier à demain.

 

Spectacle du 30 octobre 2025

Frédéric Perez

 

D’arnaud Bédouet. Mise en scène Catherine Schaub. Scénographie James Brandily. Costumes Julia Allègre. Lumières Michel Gueldry. Création sonore Aldo Gilbert. Vidéo Mathias Delfau. Assistant à la mise en scène Frédéric Baron.

Avec Lou Chauvain et Philippe Magnan.

 

 

Photos © DR
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