©DR

©DR

Puissant, Bouleversant, Insolite, Drolatique.

Après En attendant Godot (1951), Fin de partie (1957), dans Oh! les beaux jours (1961) Beckett nous offre enfin un personnage féminin Winnie. Oh! les beaux jours fut d'abord écrit en anglais puis traduit un an plus tard en français par Beckett lui-même, chemin inverse d' En attendant Godot.

La pièce fut jouée pour la première fois en octobre 1963,  mise en scène   par Roger Blin au théâtre de l’Odéon, avec Jean-Louis Barrault dans le rôle de Willie et Madeleine Renaud dans celui de Winnie.

©DR

 

Une sonnerie stridente résonne, sur scène Winnie, jouée avec brio par Véronique Boulanger, apparait le corps enlisé dans le sable jusqu’à la taille. Elle se réveille doucement, se sent légère et heureuse, elle prie puis vaque à ses occupations ignorant son ensablement. Elle farfouille dans son sac, en sort une triade d’objets, sa brosse à dent, son maquillage, un revolver... Elle épilogue sur la vie, s'adresse  à son tendre Willie

 

 

« Il y a si peu qu'on puisse dire. On dit tout. Tout ce qu'on peut. Et pas un mot de vrai nulle part »

Willie interprété avec talent par  Jérôme Keen, lit impassiblement son journal, il rampe autour d’elle, cherche un point d’ombre, on ne le voit ni ne l'entends…. Willie est indispensable à Winnie, elle a besoin de lui pour continuer sa journée, peu importe qu'il lui réponde, il faut qu’il soit présent, qu'il l'entende et l’écoute face à sa solitude.

Les jours se suivent et se répètent, c’est un interminable recommencement.  Sonnerie du  levé puis du coucher puis à nouveau du levé....

« certaines jours passent, sans retour, ça sonne, pour le sommeil, et rien ou presque rien de dit »

Winnie reste optimiste et s’émerveille d’un petit bonheur de chaque jour. Winnie est bien vivante, on lui pardonnerait de sombrer mais non, Winnie se raccroche à la vie malgré son ensablement….

“ Oh le beau jour encore que ça aura été... Encore un... Après tout. ”

©DR

Au deuxième acte, Winnie s’enlise de plus en plus, elle est aspirée par la terre. Elle ne peut plus bouger la tête, ses bras sont emprisonnés dans le sol, ses petits objets intimes ont regagnés son sac,  le revolver est posé prés d'elle. Elle se souvient de sa vie, elle évoque ses souvenirs…Winnie reste digne devant la souffrance et la déchéance.

 « Avoir été toujours celle que je suis - et être si différente de celle que j'étais. »

 “ Tiens-toi, Winnie ”, se dit-elle, “ advienne que pourra, tiens-toi. ”

Willie apparait en costume de ville, il essaie de se hisser sur le mamelon, veut-il toucher le visage de Winnie ou prendre le revolver?

Un texte tragique et bouleversant qui ne manque pas  d'ironie, le sujet est grave mais nous avons souvent le sourire aux lèvres. Un questionnement sur la condition humaine, une belle réflexion philosophique qui illustre bien le théâtre de l'absurde.

Véronique Boulanger est une magnifique Winnie, ses mimiques, ses intonations, ses inclinaisons de tête et ses silences, nous tiennent en haleine, nous captivent et nous émeuvent.

Un moment de théâtre intense en compagnie de talentueux comédiens.

Claudine Arrazat

Théâtre de Nesle - grande salle   8 Rue de Nesle  75006   Paris
Du 30 octobre au 18 décembre 2023, le lundi à 20 h 30, ainsi que le dimanche à 16 h.
-relâche le 5 novembre et le 10 décembre-

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :