Poignant, Éloquent Attrayant,
Denis Podalydés pour notre plus grand plaisir, met en scènes L’orage d’Alexandre Ostrovki (1823-1886), un auteur encore peu connu chez nous mais reconnu et applaudi par l’intelligentsia russe lors de sa première représentation au théâtre Maly à Moscou.
L’orage fut écrit et joué à St Pétersbourg en 1859 , cette pièce est considérée de nos jours comme la plus accomplie du répertoire d’Ostrovki : le théâtre des mœurs.
Elle se situe dans le milieu des marchands, "avant l’abolition du servage en 1861, les marchands étaient des hommes libres, capitalisant les richesses et exploitants les plus démunis. C’est une société aux mœurs archaïques et très pratiquante".
Dans un village au bord de la Volga, l’orage gronde. Kabanova, mère autoritaire et tyrannique fait une petite promenade en compagnie de ses enfants: Tikhon, Varvanna et Katerina sa bru.
Devant le despotisme de cette matrone, Tikhon se réfugie dans la vodka et Varvana plus futée dans la tromperie. Supercheries dans lesquelles elle entrainera Katerina.
Mais au sein de cette société, on doit obéir à l’autorité, respecter les traditions, être fidèle, ne jamais se rebeller sinon le diable vous attire dans ses griffes, c’est la religion de la peur.
Chemin faisant, nous faisons connaissance de Dikoï riche marchand exploitant ses employés qui ne travaillent que pour ne pas mourir de faim.
Kabanova et Dikoï persécutent et oppriment leur entourage, l’une la jeunesse et l‘autre les pauvres...
C’est un monde bien noir que ce village, heureusement Kouliguine apporte poésie, sagesse et philosophie. Il dénonce l’inégalité, la misère et fait part de son amour pour les sciences mais dans cette société les progrès sont bannis. Dikïo traite Kouliguine de mécréant lorsque celui-ci vante les mérites du paratonnerre.
…..L’orage c’est une punition de Dieu et toi, tu veux m’en protéger…Dikïo
Quel monde sombre et rétrograde perdu dans ses rigoureuses croyances !
Nous sommes bouleversés par l’histoire de Katerina qui souhaite être libre comme un oiseau, se libérer d’un mari non désiré, aimer et être aimée par Boris neveu de Dikoï et soumis à celui-ci, mais Katerina est effrayée et épouvantée par la peur du pêcher et de l’enfer.
Katerina survivra-t-elle à sa culpabilité ?
Alexandre Ostrovski nous mène dans une Russie ténébreuse où les femmes et les pauvres sont soumis où la crainte du diable règne.
La scénographie d’Eric Ruf, est astucieuse, perspicace et esthétique. Grace à de grands panneaux mobiles, nous voyageons du bord de la Volga 'représentée par une magnifique photo du paysagiste Thibaut Cuisset où les travailleurs de retrouvent après une journée de labeur', à la demeure de Kabanova 'où les femmes se recueillent devant les icônes'.
La musique en live Bernard Vallet, les costumes harmonieux d’Anaïs Romand ainsi que les belles lumières Stéphanie Daniel intensifient les émotions et nous plongent avec aisance dans cette fiction.
La mise en scène de Denis Podalydès est orchestrée avec justesse et grand talent.
Les comédiens Cécile Brune (Fekloucha), Julien Campani (Boris), Philippe Duclos (Kouliguine), Francis Leplay (Chapkine), Leslie Menu (Varvara), Dominique Parent (Dikoï), Laurent Podalydès (Promeneur), Mélodie Richard (Katerina), Nada Strancar (Kabanova), Bernard Vallery (bruitiste et guitare), Geert van Herwijnen (Koudriache), Thibault Vinçon (Kabanov) nous entrainent avec grand bio dans cette aventure et nous enchantent.
Un plus pour Philippe Duclos qui nous captive, il inonde le plateau par sa prestance et son charisme.
Très beau et passionnant moment de théâtre.
Claudine Arrazat
Adaptation Laurent Mauvignier Mise en scène Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française Assistant mise en scène Laurent Podalydès Scénographie Eric Ruf Assistante scénographie Caroline Frachet Costumes Anaïs Romand Son Bernard Vallery Lumières Stéphanie Daniel
Théâtre des Bouffes du Nord - 37 (bis), bd de La Chapelle, 75010 Paris
Du 12 au 29 janvier 2023 Du mardi au samedi à 20h Matinées le dimanche à 16h