Réjouissant, Attrayant, Captivant.
Nous nous installons dans la salle. Zabou Breitman sur le plateau bouge les meubles, le canapé ici, la table là, déroule le tapis, replace la lampe ……
J’ai l’impression de voir une amie agençant son appartement pour me recevoir, c’est chaleureux et sympathique.
Zabou Breitman va nous faire découvrir Dorothy Parker avec tant de passion et d’enthousiasme que cela donne fortement envie de lire les différents écrits de cette romancière, critique de théâtre, scénariste et grande plume du New Yorker du début du siècle dernier.
Années de la prohibition mais aussi du droit de vote aux USA 1918 (en France nous attendrons 20 ans de plus).
Dorothy Parker est une femme hors du commun, anticonformiste, elle crée une ligue antinazisme, féministe.
Elle côtoya Scott Fitzgerald, Daniel Hammett, Louise Brooks ou les Marx Brothers…
Mais portée sur la boisson et dépressive, elle mourut dans une grande solitude à 73ans en léguant tous ses biens au mouvement de Martin Luther King.
Zabou Breitman nous conte d’ailleurs le destin de ses cendres qui après quelques péripéties restèrent enfermées dans un tiroir des décennies car personne ne voulait s’en charger. Elles finirent par trouver refuge, à la fin de l’année 2020, dans le cimetière de Woodlawn, situé dans le Bronx.
A travers ses chroniques du New Yorker, Zabou Breitman fait revivre Domithy sous nos yeux curieux et amusés. Cette chroniqueuse n’a pas « froid aux yeux », ne manque ni d’humour, ni de piquant.
**au sujet de la grippe espagnole
« … Dès qu’ils voient qu’une pièce ne marche pas, ils cachent leur cœur saignant derrière un visage noble et ils annoncent que la pièce s’arrête, en raison de la pandémie. … vous faites partie de ceux qui veulent toujours voir le bien partout, gardez en tête que la grippe espagnole a fourni une fin honorable à de nombreuses pièces de théâtre ».
Puis, Zabou Breitman nous conte des extraits de 5 nouvelles de Dorothy dans une ambiance Jazz en changeant de robe, modifiant quelque peu le décor, l’éclairage entre chaque scènette.
Ce sont des tranches de vie, des rencontres dans un style ironique, corrosif, tranchant, drôle, désopilant...
J’aurais pu l’écouter pendant des heures tant Zabou Breitman est naturelle et talentueuse.
"Je suis dans un salon new-yorkais au début du siècle dernier, buvant le thé et me délectant avec ravissement de ces nouvelles dont voici quelques extraits."
**Une jeune femme au téléphone marchande avec Dieu
« Ce n'est pas grand-chose et cela vous coûterait si peu, mon Dieu, si peu ! Mais faites seulement qu'il téléphone. S'il vous plaît, mon Dieu, s'il vous plaît. »
**La jalousie entre femme de la bourgeoisie New-yorkaise
« Ce que j'aimerais vraiment, c'est me mettre aux claquettes. Mary Morton l'a fait, l'année dernière, et elle a perdu six kilos ».
**Lors d’un diner
« Les gens devraient vous prévenir quand ils vont vous asseoir à côté d’un truc pareil pour que vous puissiez apporter de quoi vous occuper. Chère Mme Parker, soyez s’il vous plaît des nôtres à dîner vendredi prochain, et n’oubliez pas vos ouvrages en retard »
Ravissant et réjouissant moment de théâtre.
Claudine Arrazat
Interprète(s) : Zabou Breitman
Lumières : Stéphanie Daniel
Costumes : Zabou Breitman Bruno Fatalot
Accessoires : Amina Rézig / Son : Yoann Blanchard /
Regard extérieur : Antonin Chalon
Théâtre du Chêne Noir 8 bis rue Sainte Catherine 84000 - Avignon
du 7 au 31 juillet - relâche les 12, 19, 26 juillet à 21h30 - Durée : 1h15