Loufoque, Troublant, Bouillonnant.
Sous la direction de Charlie Windelschmidt, la compagnie Dérézo revisite Blanche-Neige comme un grand procès imaginaire. Garance Bonotto, Lisa Lacombe et Morgane Le Rest signent une écriture à trois voix, vive et fragmentaire, où l’humour se mêle à la réflexion. Le célèbre conte des frères Grimm devient ici une enquête poétique sur la morale, le désir et la culpabilité.
"La ligne déclenchant le procédé d’écriture est la suivante : le conte tel qu’il nous est parvenu aujourd’hui n’était, en réalité, qu’un rêve raconté par l’un des nains — une femme — qui, dans cette fiction tout droit sortie de son imaginaire, s’est inventé un personnage pour elle-même : Blanche Neige."
À partir de ce renversement, le mythe s’effrite. Ce que nous pensions connaître n’était qu’un mirage, une fable rêvée pour se libérer du réel. Et quand le rêve se réveille, les visages familiers du conte prennent une toute autre dimension…
Avec humour et dérision, le spectacle explore alors les zones d’ombre du récit : la place de la femme, le poids des habitudes, la soumission au travail… Finie la version douce et brillante de l’histoire !
Les sept nains, désormais adultes, sont convoqués au tribunal pour répondre de ce qu’ils ont fait à Blanche-Neige. Ils ne sont plus les gentils personnages de notre enfance, mais des hommes pleins de doutes et de contradictions. Le procureur les interroge, le public écoute, et peu à peu, le mythe se fissure.
Le spectacle interroge nos propres prisons : suivre ses désirs ou se conformer aux règles ? Sommes-nous libres… ou simplement prisonniers de nos rôles ?
Le théâtre devient alors un lieu de questions et d’idées. Tout bouge, tout se discute : croyances, vérités, habitudes. Le ton est parfois drôle, parfois dur, mais toujours vivant. Un spectacle qui fait réfléchir autant qu’il amuse.
Charlie Windelschmidt nous offre une mise en scène magnifiquement orchestrée, avec brio il joue avec les contraires : sérieux et dérision, philosophie et burlesque, rigueur et débordement.
La scénographie, poétique et incandescente, compose un espace à la fois tribunal, cabaret et rêve éveillé.
Côté cour, les nains dorment à demi sur un canapé, face à un écran. Par moments, un souffle ou un léger mouvement trouble leur repos ; leurs gestes sont lents, presque au ralenti, comme si le sommeil les retenait encore. En fond de plateau, un cadran lumineux découpe l’espace. Dans la pénombre, le procureur s’agite : c’est lui qui ouvre le procès du conte, un tribunal sans loi, hors de toute règle connue. Dans cette mise en examen aux allures de science-fiction, il appelle les sept nains un à un. Chacun apparaît dans la fenêtre de lumière pour dire sa vérité, quelques minutes pour plaider sa cause, à sa manière, entre clown, témoin et poète, toujours au bord de l’aveu.
Le spectacle démonte nos illusions d’enfance pour révéler les zones d’ombre du conte. Tour de magie, chanson, gestuelle clownesque, ombres chinoises viennent interrompre le tribunal. Le procès devient un cabaret fantastique, entre rire et vertige. Au premier comme au dernier tableau, un Big Bang jaillit, une fête de lumineuse éclate, la voix de soprano d’une comédienne traverse l’espace, nous atteint en plein cœur, suspend le temps.
Les lumières et la musique, puissantes et saisissantes, intensifient l’émotion et donnent au spectacle toute son énergie.
Véronique Héliès, Anne-Sophie Erhel, Alice Mercier, Anaïs Cloarec, Ronan Rouanet, Farid Bouzenad et Nikita Faulon forment une troupe vibrante, pleine d’élan, toujours sur le fil entre le rire et l’émotion. Une belle complicité traverse le plateau.
Et les sept nains ? n’est pas un spectacle confortable, mais une expérience théâtrale galvanisante, à la fois drôle, politique et vertigineuse. Sous les dehors d’un conte revisité, Dérézo signe un manifeste surprenant et déroutant. On ne s’y ennuie jamais, même si tout n’est pas toujours limpide. Le spectacle étonne, amuse, déstabilise, mais toujours avec justesse et audace.
Un théâtre libre, intelligent et joyeusement impertinent, qui redonne tout son sens à l’art de penser ensemble, en riant, le monde qui nous échappe.
Claudine Arrazat
Lumière : Gaidig Bleinhant / Son : Guillaume Tahon / Costumiere : Youna Vignault / Maquilleur·se : en cours / Autrices : Morgane Le Rest, Lisa Lacombe et Garance Bonotto / Administration : Sophie Desmerger / Production : Mathilde Pakette / Diffusion : Louise Vignault / Diffusion et communication : Nina Faid
Quartz, scène nationale de Brest 60 Rue du Château, 29200 Brest (Mercredi 5 novembre à 19h / Jeudi 6 novembre à 14h30 / Vendredi 7 novembre à 19h)
Tournée : 12 et 13 novembre 2025 : Théâtre du Pays de Morlaix (29) / 11 décembre 2025 : L’Atelier à Spectacle, scène conventionnée de Vernouillet (78) / 2 avril 2026 : L’Archipel, pôle d’action culturelle, Fouesnant (29) / 9 avril 2026 : Le Manège, Scène nationale de Loufoque,
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