Émouvant, Délicat, Romantique.
Léon Tolstoï publie cette nouvelle en 1859. L’originalité de ce récit réside dans le fait que Tolstoï adopte, pour la première fois, le point de vue d’une femme et raconte à la première personne. Il s’inspire de sa propre vie amoureuse, explorant les illusions de l’amour et l’érosion du sentiment conjugal. En 1861, Tolstoï rencontre Sophie Behrs, de seize ans sa cadette. Elle sera la mère de leurs treize enfants et accompagnera Tolstoï dans une vie conjugale tumultueuse, déchirée entre son attrait pour la mondanité et la spiritualité grandissante de l’écrivain. Un texte d’une sincérité bouleversante.
La mise en scène de Françoise Petit est subtile et délicate. Une table, un fauteuil, un piano : tout ici respire la retenue et la sincérité. La lumière, douce et dorée, évoque la quiétude d’une datcha russe au crépuscule. On ressent l’air frais des campagnes, les murs chaleureux et intimes de la maison, et la solitude douce des grands espaces russes.
Macha a dix-sept ans. Orpheline et rêveuse, elle est séduite par Sergueï Mikhaïlitch, ami de son père et de vingt ans son aîné. Elle croit trouver auprès de lui un amour tendre et protecteur. Mais ce mariage, qu’elle imaginait comme un refuge, devient peu à peu une prison dorée. Le bonheur espéré s’éteint dans la routine du quotidien. Tolstoï montre avec finesse les contradictions du cœur : la passion et l’ennui, l’envie d’aimer et la peur de se perdre. Dans cette confession, il esquisse déjà les thèmes de ses grandes œuvres : la solitude, le doute et la quête de sens qui traversent tous ses personnages.
La musique de Beethoven met en valeur la langue de Tolstoï et la vérité émotionnelle du texte. Quasi una fantasia accompagne le récit comme une respiration et devient le double invisible de Macha, traduisant en notes ce que les mots se gardent de dire.
Anne Richard est bouleversante. Elle incarne Macha avec une délicatesse rare, oscillant entre ferveur adolescente et douleur de femme déçue. Son regard, ses silences, ses inflexions de voix révèlent mille nuances d’un même amour en train de s’éteindre. Jean-François Balmer, discret et bienveillant, guide le récit avec la maîtrise d’un grand lecteur. Nicolas Chevereau laisse ses doigts glisser sur le clavier avec la même intensité que celle qui traverse la voix d’Anne Richard. Ensemble, ils créent un dialogue délicat entre littérature et musique.
Le Bonheur conjugal est un moment d’émotion pure, une parenthèse de grâce et de sensibilité, où le romantisme de Tolstoï renaît sous la lumière douce d’un piano et d’une voix. Un moment suspendu, à la fois pudique et passionné, où romantisme et lucidité se mêlent avec justesse.
Claudine Arrazat
Musique : Sonate Quasi una fantasia de Beethoven Opus 27 n°1 et Opus 27 n°2 :/ Lumière : Hervé GARY - Peinture : Gaël DAVRINCHE
Théâtre de Poche Montparnasse 75 bd Montparnasse Tous les dimanche à 17H
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