Tom à la ferme  de  Michel Marc Bouchard - Mise en scène Olivier Sanquer

Puissant, vertigineux, poignant.

C’est dans un théâtre nu, aux lumières crues et à la scénographie d’une simplicité implacable que Tom à la ferme nous est donné à voir.
Dans le silence pesant d’une ferme isolée, Tom, un jeune publicitaire montréalais, vient enterrer son compagnon. Il y découvre un monde rural dur et hostile. Agathe, la mère, ignore leur relation, et Francis, le frère, impose un silence menaçant. Huis clos étouffant, la ferme devient le théâtre d’une tension croissante. Francis, figure d’autorité virile, oscille entre intimidation, violence et séduction pour préserver les apparences et étouffer la vérité. Dans cet univers marqué par l’homophobie, le mensonge et la domination, Tom se retrouve piégé, alors que la tension psychologique glisse peu à peu vers une violence brute et implacable.

La mise en scène du Collectif Nacéo, portée par Olivier Sanquer, sobre et minimaliste, redonne au texte de Michel Marc Bouchard toute sa charge obscure et troublante, une expérience sensorielle et émotionnelle d’une rare intensité.

Le Tom du Collectif Nacéo n’a rien d’un héros : il est désorienté, fragile, en fuite. Il nous bouleverse par son humanité. À ses côtés, Francis est une présence magnétique et terrifiante, à la fois brute et séducteur ; il nous glace le sang. Agathe, mère aveuglée par l’amour et le déni, est touchante par son refus de voir. Un magnifique trio qui fonctionne comme un triangle de tensions contraires.

Ce Tom à la ferme interroge avec une rare acuité les racines du mensonge, de la honte, de la haine sociale et familiale. Il ausculte, sans fard ni filtre, l’homophobie intériorisée, les carcans du patriarcat et cette violence intime qui ronge les familles silencieusement.

Les comédiens nous ébranlent profondément et nous bouleversent par la justesse et l’intensité de leur interprétation. Leur jeu, à la fois sincère et maîtrisé, donne vie aux émotions les plus enfouies et rend chaque scène d’une puissance troublante.

Nacéo signe un théâtre de la cruauté, jamais gratuit, qui tranche, gratte et laisse des traces — une plongée saisissante dans les zones d’ombre du silence et de la violence, qui marque durablement.

Claudine Arrazat

- Interprétation : Axel Arnault / Elie Boissière / Marie Burkhardt / Amandine Favier /  Angélique Kern Ros /  Sébastien Pruvost

Rudy Sanguino - Création lumière

Festival Avignon  du 5 au 26 juillet  relâche les 8, 15, 22 juillet à  22h40 D : 1h20 au Théâtre des Corps Saints.

Le Collectif Nacéo a été créé en 2007 par un groupe de comédiens québécois, sous l'impulsion du metteur en scène Olivier Sanquer. Sa première production, Les Feluettes ou la répétition d’un drame romantique de Michel Marc Bouchard, fut jouée plus de cent fois au Canada puis en France. La compagnie s’est ensuite déplacée en Suisse, où elle rayonne grâce à un répertoire riche et varié – théâtre, danse, chant. Depuis 2014, ses spectacles les plus marquants sont repris en France. Le Collectif s’attache à présenter des textes puissants, épiques, rares.